Le lancement de BLEU DE CHANEL L’EXCLUSIF s’accompagne d’un flacon pensé en dialogue étroit avec le parfumeur Olivier Polge. Travaillé « comme un extrait féminin », avec une intensité rare pour un parfum masculin, le projet appelait un objet capable de rendre cette concentration visible dès le premier regard. Pour Sylvie Legastelois, Directrice de la Création Packaging et de l’Identité Graphique des Parfums/Beauté CHANEL, il fallait une forme spécifique, à l’identité très forte.
Sylvie Legastelois décrit spontanément une silhouette d’encrier, image de densité et de recueillement. Le dessin intrigue d’abord par sa familiarité, puis révèle, à la seconde lecture, que tout a changé : chanfreins, colonnes, répartition du verre, jusqu’à la base, la « marloquette ». Ici, « le dessin du contenant rencontre le dessin du contenu » et la couleur bleue, spirituelle, « trop noir pour être bleu, trop bleu pour être noir… », installe le mystère cher à CHANEL.
Sylvie Legastelois – L’Interview
BLEU DE CHANEL L’EXCLUSIF se dévoile à travers un nouveau flacon. Comment avez-vous travaillé avec Olivier Polge ?
C’est un projet qui a beaucoup inspiré Olivier. Et c’est important ! Sans cela, il n’y a pas de parfum. Il a travaillé BLEU DE CHANEL L’EXCLUSIF comme un extrait de parfum féminin, avec autant d’intensité. Ce qui ne se fait jamais pour les parfums masculins. C’était en parfaite harmonie avec la force spirituelle de la couleur bleue.
Il est allé au-delà de ce qu’il avait fait pour le parfum. C’est un crescendo très inspirant. L’ampleur du défi que s’est imposé Olivier m’a vraiment ouvert la voie. Je me suis dit qu’il fallait un flacon capable de matérialiser l’intensité de cet extrait. Il fallait créer un flacon spécifique avec une forme et une identité très fortes, permettant de traduire visuellement et de manière évidente la concentration, puisque son nom ne le dirait pas.
De quelle manière pourriez-vous décrire ce flacon ?
La première comparaison qui vient à l’esprit, c’est l’encrier. Et j’aime beaucoup cette idée. Elle évoque la notion d’intensité, de la concentration de l’encre. Et la part spirituelle qui va surgir des mots tracés avec cette encre. Cette image est apparue en dessinant et en concevant le flacon, au fil de mes échanges avec Olivier Polge.
Ce nouveau parfum est une composition complexe, à l’image d’un extrait. L’ensemble est radical et intense. Comment réussir à traduire l’intensité en dessin ?
J’ai traduit l’intensité par l’idée de concentration. Je voulais que le dessin intrigue, que celui ou celle qui le regarde se dise d’abord que c’était le même flacon que précédemment et constate, en ayant pris le temps de regarder les détails, que tout est différent. J’aime que les choses ne sautent pas aux yeux, que tout ne se voit pas tout de suite.
Lorsque l’on cherche à densifier, à intensifier une forme, il faut réussir à préserver une architecture très forte sans que la forme ne devienne lourde ou ne s’écrase. C’est assez délicat de préserver la force aérienne d’un dessin, son élévation. Il faut faire très attention aux chanfreins, aux colonnes, à la répartition du verre, à la base du flacon que l’on appelle la « marloquette ». Je crois que pour BLEU DE CHANEL L’EXCLUSIF le dessin du contenant rencontre le dessin du contenu, en exprimant à l’extérieur l’extraordinaire intensité contenue à l’intérieur.
Que représente la couleur bleue pour vous ? Et pour CHANEL ?
Le bleu est une couleur spirituelle. Elle possède quelque chose d’indéfinissable. Est-ce bleu ? Est-ce noir ? « Trop noir pour être bleu, trop bleu pour être noir… » J’aime cette versatilité. De plus, on voit dans les archives que Gabrielle Chanel aimait mélanger le bleu marine et le noir. Elle aimait ce côté mystérieux. Dans les années 30, elle a créé Bleu de CHANEL, comme Beige de CHANEL et Rouge de CHANEL. Cette couleur a donc toute sa légitimité. Elle est patrimoniale.
L’histoire de la couleur bleue est immense. Lesquelles de ses nuances BLEU DE CHANEL L’EXCLUSIF convoque-t-il ?
Quand je parle d’une couleur spirituelle, je parle d’une couleur qui n’a pas de limites. Elle est intense par nature, elle évoque les profondeurs de la mer, comme l’immensité du ciel. Elle se rapporte au futur. Si le rouge est l’action, le bleu évoque plutôt la projection. Cette couleur rejoint la volonté de Gabrielle Chanel qui voulait « être de ce qui va arriver ».
Où se situe le flacon sur l’échelle du bleu ? Entre Klein et Soulages ?
Le bleu de Klein est plein d’énergie et de vitalité. Au-delà d’une couleur c’est une dimension. Ce Bleu de CHANEL se rapproche plus des bleus de Soulages. On connaît Soulages pour son outrenoir, mais il a aussi composé des bleus d’une extraordinaire intensité. Profonds et bouleversants.
C’est un travail assez proche de l’architecture ? Est-ce pour vous une source d’inspiration ?
Oui, j’aime beaucoup le travail de Le Corbusier et je m’inspire, en général, de son sens magistral des volumes. En l’occurrence, pour ce flacon, je penserais plutôt au travail de Tadao AndŌ, que j’admire beaucoup. Notamment certaines de ses maisons réalisées au Japon, sa façon de composer avec des boîtes, de faire interagir les volumes et les matériaux, de jouer sur le rapport entre intérieur et extérieur.
Si vous deviez définir ce parfum en trois mots ?
Concentré, intense, sophistiqué.
Pour Conclure,
À travers BLEU DE CHANEL L’EXCLUSIF, Sylvie Legastelois montre comment les codes de design de CHANEL évoluent en intensifiant l’essentiel. Le flacon ne crie pas ; il se concentre. Il invite à un second regard, puis le récompense par sa structure et ses proportions, une étude de la densité sans lourdeur.
Son langage chromatique est tout aussi intentionnel : un bleu spirituel qui s’inscrit dans l’héritage de la Maison tout en regardant vers l’avenir, plus proche de Soulages que du spectaculaire, et réglé avec un œil d’architecte. Lorsqu’on lui demande de définir le parfum en trois mots, Sylvie Legastelois propose une coda juste : concentré, intense, sophistiqué — une triade que l’objet lui-même incarne discrètement.
José Amorim
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